VIH & Allaitement : la possibilité pour des PVVIH d’allaiter enfin reconnue en France
Le 31 mai, la Haute autorité de santé (HAS) a publié de nouvelles recommandations de prise en charge sur la grossesse et le VIH. Ces recommandations sont le fruit d’un long travail de concertation entre experts-es issus-es du monde médical et associatif. Le TRT-5 CHV, actif sur la question de l’allaitement par les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), a contribué à leur élaboration.
Si les nouvelles recommandations apportent des avancées positives, à commencer par l’affirmation de la possibilité pour des PVVIH d’allaiter sous certaines conditions, le TRT-5 CHV met en garde au sujet de leur application effective.
Des recommandations salutaires, attendues de longue date
Désormais, l’allaitement au sein par des PVVIH est envisageable aux conditions suivantes :
- Traitement ARV débuté avant la conception ou au 1er trimestre de grossesse ;
- Historique de suivi régulier, d’observance optimale au traitement ARV et aux visites ;
- Charge virale inférieure à 50 copies/mL de façon stable correspondant à 6 mois de contrôle virologique ;
- Engagement de suivi renforcé pendant toute la durée de l’allaitement ;
- La capacité de l’équipe à réaliser l’accompagnement de la personne concernée et de l’enfant.
L’administration d’une prophylaxie pré-exposition doit en outre être proposée pour toute la durée de l’allaitement.
La mise en évidence du très faible risque de transmission induit par l’allaitement en cas de suppression virale prolongée a joué un rôle déterminant dans le consensus des experts-es. Jusqu’alors, l’allaitement par les PVVIH était strictement contre-indiqué en France. Trop longtemps, l’absence de référentiel national a constitué une source de difficultés pour les personnes concernées et les équipes médicales chargées de leur suivi.
Les recommandations françaises se rapprochent désormais de celles en vigueur dans d’autres pays à revenus élevés. Dès 2019, la commission fédérale pour la santé sexuelle suisse avait acté de soutenir les personnes porteuses du VIH désireuses d’allaiter. Les Etats-Unis ont émis des préconisations similaires en 2023.
Garantir un changement des pratiques médicales
Tout en accueillant avec enthousiasme l’évolution des recommandations, plus permissives en matière d’allaitement, les associations restent vigilantes quant à leur application effective. Cela concerne notamment la décision médicale partagée et l’accompagnement inconditionnel de toutes les PVVIH souhaitant allaiter, que le TRT-5 CHV et d’autres structures avaient préconisées en 2023.
Les nouvelles recommandations instaurent de faire reposer le choix de l’allaitement sur une décision médicale partagée. Cette notion a été consacrée par la loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades et a été explicitée par la HAS. Elle suppose d’organiser entre l’équipe soignante et la personne concernée un temps d’échange d’informations, de partage et de délibération. Il appartient donc désormais aux équipes de soins de mettre en place les conditions du dialogue le plus horizontal possible, afin que le rôle de la personne concernée ne se limite pas à valider des décisions validées au préalable.
Concernant la « capacité de l’équipe de réaliser l’accompagnement de la mère », qui conditionne l’allaitement, cela pose la question de l’application égalitaire des recommandations en fonction des territoires, des établissements et de situations individuelles. Le TRT-5 CHV défend l’accompagnement de toutes les PVVIH. Il est un facteur de réduction des risques de transmission du virus dès lors qu’il favorise le maintien dans un parcours de santé des personnes particulièrement éloignées du système de soin et, en cela, diminue le risque de « perdu de vue ».
Recueillir des données pour faire progresser les recommandations
Si les nouvelles recommandations soutiennent qu’en cas de suppression virale prolongée pour la PVVIH le risque de transmission du VIH par l’allaitement est très faible, il reste que nous manquons de donnée démontrant le principe I=I (indétectable = intransmissible) en situation d’allaitement.
Par ailleurs, il n’y a pas à ce jour de données sur la toxicité potentielle des ARV chez l’enfant exposé par l’allaitement pour guider des recommandations de choix thérapeutique chez la mère, ou de surveillance particulière chez l’enfant.
La production de données supplémentaires serait donc déterminante pour aiguiller de façon rationnelle les personnes allaitantes et les équipes de santé les accompagnant.
Comme le préconisaient nos structures en 2022, l’allaitement doit faire l’objet de davantage de recherche en France et en Europe via la mise en place notamment d’une cohorte de mères ayant une charge virale VIH constamment indétectable. L’observatoire ANRS-MIE LACTAVIH[1] et l’étude ANRS VIROPREG[2], récemment lancés, et dont le TRT-5 CHV a intégré le Conseil scientifique, permettra de recueillir de nouvelles données sur le sujet.
Sur la base de celles-ci, il s’agira alors de procéder à une actualisation rapide des recommandations en vigueur sans nécessairement attendre la publication d’un nouveau rapport d’experts-es.
[1] Observatoire visant à évaluer la sécurité de l’allaitement maternel au sein chez des d’enfants nés de mères vivant avec le VIH, connaître le nombre et les caractéristiques des mères vivant avec le VIH en France qui pratiquent l’allaitement au sein, et en cas d’infection de nourrissons lors de l’allaitement, en décrire le contexte.
[2] Etude de cohorte prospective française sur l’impact du VIH durant la grossesse et les années suivant l’accouchement