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Recherche, VIH

Recommandations pour une recherche inclusive et représentative

publié le 29.03.2023

Introduction

En France, les résultats des essais menés à l’échelle nationale et internationale déterminent l’autorisation de commercialisation, le remboursement et les modalités d’utilisation des produits de santé. Pour que ces produits et leurs usages soient adaptés au plus grand nombre, il importe donc de mener des essais auprès de l’ensemble des populations auxquelles ils s’adressent. On parle alors d’enjeu de représentativité dans les essais.

La question du manque de représentativité et de diversité dans les essais cliniques n’est pas nouvelle. Aux Etats-Unis, le manque d’inclusion des femmes, lié en grande partie au scandale sanitaire de la thalidomide[1], est dénoncé dès les années 1980/1990 par les mouvements féministes. C’est ainsi qu’en 1993 le Congrès américain vote le « Revitalization Act » qui contraint les promoteurs-trices de recherches à inclure des femmes (sous contraceptifs) mais aussi des personnes issues des minorités ethniques dans les essais cliniques financés par le National Institute of Health (NIH). À la même époque, la Food and Drugs Administration (FDA) retire la clause d’exclusion des femmes des essais cliniques précoces et émet des recommandations pour généraliser l’inclusion des deux genres dans les recherches de nouveaux médicaments [1].

En 2005, un rapport de l’Agence européenne des médicaments (EMA) concluait que les femmes étaient incluses en proportions satisfaisantes dans les essais cliniques de phase III au regard de la prévalence des pathologies étudiées dans la population féminine [2]. Publié en 2020, le Rapport Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique du Haut conseil à l’égalité entre femmes et hommes rapportait que selon le registre international des essais cliniques (OMS/NIH), toutes pathologies et phases d’essais confondues, la participation des femmes était passée de 35 % en 1995 à 58 % en 2018 [3].

Pour autant, ce n’est pas le cas de certaines pathologies, dont l’infection au VIH, pour laquelle il persiste une représentation insuffisante des personnes les plus concernées, à savoir les femmes, les personnes migrantes [4], les hommes et femmes trans [5].

Comment expliquer cette sous-représentativité et quelles en sont les conséquences ?


[1]Le point de départ de l’exclusion des femmes enceintes ou en âge de procréer dans les essais cliniques est le scandale sanitaire de la thalidomide, un sédatif développé dans les années 1950 et qui s’est révélé hautement tératogène (Vinh-Phuc, 2019). Dans les suites de cette affaire, les guidelines de la FDA en 1977 avaient été extrêmement conservateurs, empêchant l’inclusion des femmes enceintes ou en âge de procréer dans les essais de phase précoce (phase I/II).

Une répartition du VIH, des hépatites virales et des IST déconnectée des critères d’inclusion dans les essais thérapeutiques

a)      Répartition épidémiologique et des vulnérabilités

Certaines populations dites “populations clés” connaissent une vulnérabilité accrue au VIH, aux hépatites virales et aux IST en raison de facteurs socio-économiques et comportementaux parfois cumulés. On compte parmi ces populations les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), les personnes issues de zones endémiques, les utilisateurs-trices de drogues injectables (UDI), les femmes trans, ou encore les travailleurs-euses du sexe (TDS) [6]. A l’échelle mondiale, ces populations représentaient encore 70% des nouvelles contaminations en 2021 [6].

Une telle répartition se retrouve à l’échelle nationale française [7 ; 8 ; 9], même si les données sont moins explicites, du fait d’une surveillance épidémiologique qui se dégrade depuis plusieurs années [10 ; 11]. La situation des femmes, qui représentent environ 30% des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) en France et la moitié dans le monde, doit aussi être considérée au regard de facteurs de vulnérabilités spécifiques [12].

Les personnes de plus de 50 ans représentent plus de la moitié des PVVIH en France (les personnes de plus de 60 ans, 16%). Ces chiffres sont en hausse constante en raison de l’augmentation de l’espérance de vie des PVVIH depuis la mise à disposition des trithérapies. Cette population, plus sujette aux comorbidités ou au phénomène de « vieillissement accéléré », connaît aussi des vulnérabilités spécifiques [13].

Cette répartition épidémiologique du VIH n’apparaît pas dans les chiffres d’inclusion des publics dans les essais.

b)      Le VIH à la traîne pour les inclusions de minorités dans les essais

En ce qui concerne le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques, seulement 11% de femmes seraient incluses dans les essais VIH, cette proportion atteignant 19% dans les essais pour des antirétroviraux et 37% dans les essais pour des vaccins, selon une revue de la littérature publiée en 2016 [4]. Au sein de la recherche publique, il n’y a pas d’action particulière pour cibler les femmes dans les essais avec des PVVIH.

En réalité, si les femmes semblent insuffisamment incluses dans les essais menés dans les pays du Nord, elles sont au contraire bien représentées (plus que les hommes) dans les essais menés au Sud [14]. Cela pourrait s’expliquer par la plus grande prévalence de l’infection au VIH chez les femmes dans les pays du Sud et parce que les hommes en Afrique seraient plus réticents ou moins disponibles pour participer à des essais [15].

En France, si la participation des femmes est limitée dans certains essais, c’est notamment en raison de contraintes comme la contraception [26]. La notion de « contraception efficace » pour les femmes à potentiel de procréer telle que formulée dans les recommandations constitue un frein repéré à leur inclusion.

Mais la répartition des femmes dans les essais cache une autre réalité : la place des femmes trans. Dans les faits, non seulement l’essentiel des recherches incluant des femmes ne s’adresse par défaut qu’à des femmes cisgenres (le sexe à la naissance étant le facteur de catégorisation retenu par les investigateurs-trices), mais les femmes trans en tant que population clé ne font pas suffisamment l’objet de recherches dédiées alors que la prévalence au VIH peut atteindre jusqu’à 45% selon les études.

Les essais cliniques tendent à confondre femmes trans et HSH, ce qui occulte les facteurs sociaux faisant des femmes trans une population à risque [5]. Les hommes trans ne sont quant à eux généralement même pas considérés comme population à risque, alors que la probabilité qu’ils soient séropositifs est 6,8 fois plus élevée qu’en population générale. Les données sur les personnes non-binaires sont absentes [5].

D’une façon générale, les liens entre hormonothérapie et traitements anti-VIH sont actuellement insuffisamment étudiés, tout comme le lien potentiel entre transmission du VIH et néo-vagins ou néo-phallus n’est pas recherché [5]. Cet effacement de l’identité des personnes trans réveille souvent des traumas qui sont autant de freins à l’engagement de cette population dans les essais cliniques.

Autre constat s’agissant d’autres populations vulnérables : en France, la participation des personnes sans couverte sociale à des recherches interventionnelles et à des essais cliniques est proscrite, de même que celle des bénéficiaires de l’Aide Médicale d’Etat fait l’objet d’une législation nationale et d’une réglementation européenne dissuasives. Cette situation n’est pas propice à donner une vision représentative des spécificités notamment des personnes étrangères résidant en France, que ce soit dans le développement des traitements ou dans les stratégies d’implémentation qui s’y rattachent. Or l’enquête ANRS-PARCOURS [19] a mis en avant que la précarité auxquelles les populations immigrées font parfois face est un important facteur de contamination au VIH.

Il est à noter qu’en France et en Europe, les statistiques détaillées sur les essais cliniques en fonction de l’appartenance ethnique sont fermement encadrées par la loi Informatique et liberté du 6 janvier 1978, selon laquelle il est « interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique […] d’une personne physique. » [16]. Cela ne permet donc pas de tirer de conclusions sur la réalité de la représentativité des populations non Blanches dans les essais menés en France.

Néanmoins, les données disponibles aux Etats-Unis témoignent d’une sous-représentation des populations non Blanches dans les essais cliniques, et ce malgré l’instauration de cadres réglementaires.  Ainsi en 2011, les personnes afro-américaines et hispaniques représentaient respectivement 12% et 16% de la population des États Unis, mais seulement 5% et 1% des inclusions dans les essais cliniques [17]. Une autre étude ayant examiné les données provenant d’essais vaccinaux enregistrés entre 2011 et 2020 montre que sur les 230 essais analysés (toutes phases confondues), les Blancs étaient surreprésentés (77,9%), les sujets afro-américains ne constituant que 10,6% des participants, les Amérindiens ou les Autochtones d’Alaska 0,4% [18].

Cette sous représentativité des publics les plus touchés par l’épidémie n’est pas sans conséquence en matière d’accès aux traitements.

Une sous-représentativité aux conséquences délétères pour l’accès aux traitements

a)       Dolutégravir : une prise de poids longtemps ignorée chez les femmes

Les effets indésirables sont parfois associés aux spécificités des personnes auxquelles les traitements sont destinés. Or l’expérience du Dolutégravir a montré que l’exclusion de certains publics pouvait mener à leur sous-appréciation.

Autorisé en 2013 aux Etats-Unis, le Dolutégravir est un antirétroviral dont les effets indésirables se traduisent notamment par une prise de poids rapide et importante, mise en lumière seulement à partir de 2019 [20]. Les études ont permis de déterminer que ces effets indésirables touchaient particulièrement les personnes Noires et les femmes [20]. Or ces dernières avaient été largement sous-représentées dans les essais d’efficacité ayant mené aux autorisations de mises sur le marché et aux recommandations [21].

b)      Prise de la prophylaxie pré-exposition du VIH (PrEP) : des schémas de prise différents pour les femmes cis et les personnes trans

Depuis la mise à disposition de la PrEP en France, deux schémas de prise cohabitent :

  • Un schéma de prise continue ouvert à toute personne exposée au risque d’infection (avec une efficacité de traitement réputée efficace immédiatement pour les hommes cis quelle que soit leur orientation sexuelle, au bout de 7 jours pour les autres personnes) ;
  • Un schéma de prise discontinue dit « à la demande » réservé prioritairement aux HSH et donc non indiqué pour les personnes trans et les femmes cis, et seulement en deuxième intention pour les hommes hétérosexuels [22].

La différence de traitement relative au type de schéma provient du fait que le schéma discontinu n’a été testé que chez les HSH dans le cadre d’essais [22]. L’influence du choix du public initialement testé est si grande que les hommes hétérosexuels font l’objet d’une recommandation de schéma de prise continu en première intention alors même que l’efficacité du traitement ne varie pas en fonction de l’orientation sexuelle [23].

c)         L’exemple des femmes ménopausées

Lors d’un symposium organisé dans le cadre de la 24ème conférence internationale sur le SIDA, des chercheurs ont mis en lumière les angles morts de la recherche thérapeutique. Parmi eux, le sujet des femmes ménopausées : aux Etats-Unis, 60 % des femmes vivant avec le VIH sont âgées de plus de 45 ans. Selon plusieurs travaux, les femmes ménopausées vivant avec le VIH présentent plus de comorbidités que celles ne vivant pas avec le VIH, mais aussi que les hommes vivant avec le VIH. Ce phénomène serait lié à la diminution post-ménopausique des estrogènes, les exposant à plus d’inflammation chronique, plus d’activation immunitaire – ce qui les rend aussi plus vulnérables aux effets du VIH. D’où une importante polymédication, à risque d’interactions médicamenteuses [24].

Lors de la ménopause, les femmes vivant avec le VIH sont plus exposées à ces diverses complications, dont l’ostéoporose : leur densité minérale osseuse (DMO), mesurée sur plusieurs sites (rachis, col du fémur, hanche, radius), est de 5 % à 9 % inférieure à celle de femmes ménopausées ne vivant pas avec le VIH. De même, leur risque cardiovasculaire et leur gain de poids sous anti-intégrase sont surélevés, dépassant ceux des hommes vivant avec le VIH [24].

Comment est justifiée la sous-représentativité des publics cibles dans les essais au vu de son impact sur les effets et les indications relatives aux traitements ?

État des lieux des freins évoqués lors des échanges entre le TRT-5 CHV et les acteurs-trices de la recherche

Dans le cadre de sa mission de représentation des PVVIH, des personnes vivant avec des hépatites et des populations clés au sein de la recherche, notre collectif suit la pertinence et l’évolution des orientations de la recherche publique et privée. De cette activité découlent des échanges qui permettent de faire remonter des sujets de recherche d’intérêt dans les domaines du VIH, des hépatites virales et des IST.

Des actions sont mises en œuvre par une partie de la communauté scientifique afin de favoriser la diversité dans les essais. C’est notamment le cas de l’ANRS-MIE qui mène des réflexions et exerce une veille sur la représentation des femmes dans ses essais. L’agence a ainsi lancé une étude de cohorte dédiée aux femmes (ANRS CO17 VIHGY) et utilise des visuels inclusifs dans le cadre de ses campagnes de recrutement dans les essais. L’ANRS-MIE s’apprête par ailleurs à publier concernant l’impact de la contraception efficace sur les inclusions des femmes à potentiel de procréation.

Pour autant, de nombreux freins continuent d’être opposés par la communauté scientifique, dont certains sont d’ailleurs documentés dans la littérature.

Intervient par exemple la crainte de la survenue d’une grossesse durant la recherche et l’existence de critères d’inclusions très exigeants (obligation d’un double mode de contraception) pour y pallier. Dans la littérature, l’exclusion des femmes en âge de procréer est également justifiée en raison des cycles hormonaux jugés compliqués à prendre en compte lorsqu’il s’agit de l’évaluation d’un produit de santé [14]. Par ailleurs, il est noté que les femmes auraient tendance à prendre plus de médicaments que les hommes, ce qui augmente les possibilités d’interactions et d’effets secondaires [3].

Les chercheurs-euses rencontrées évoquent également leur désarmement face à des publics qui ne maîtrisent pas ou mal le français, qui sont en grande précarité et rencontrent des difficultés économiques. Les chercheurs-ses estiment par ailleurs être soumis à des contraintes matérielles et temporelles perçues comme difficilement compatibles avec les modes de vie des participants-es aux essais : la littérature fait en effet état de difficultés à mobiliser les femmes dans les essais ou de réticence à les recruter du fait de facteurs sociaux et/ou économiques comme l’accumulation des charges du quotidien pouvant pousser les femmes à abandonner un essai en cours [14], ou la crainte d’effets  indésirables provoqués par les traitements testés et qui empêcheraient d’assumer les tâches quotidiennes (surtout pour les femmes seules avec enfants à charge).

Finalement, c’est bien le bon déroulé de l’essai qui inquiète les chercheurs-euses. Ainsi nos interlocuteurs-trices évoquent la crainte des abandons et des perdus-es de vue en cours d’essai, ou encore celle de complications lors du passage en Comité de protection des personnes (CPP) sur la base des critères d’inclusion retenus. Certains essais, dans la recherche cure (portant sur la rémission) par exemple, ou ceux incluant des personnes qui vivent avec un virus multirésistant, connaissent déjà des difficultés importantes de recrutements, pouvant mener à l’abandon du projet.

La littérature américaine met en lumière d’autres freins à l’engagement des minorités ethniques aux essais cliniques. Ainsi, si l’on retrouve la crainte des effets indésirables ou la peur d’être contaminé-e dans le cadre d’essais vaccinaux, celle d’être stigmatisé-e au sein de la communauté en cas de révélation de la participation à un essai clinique VIH est également prédominante [25]. Par ailleurs, certaines minorités (tels que les Afro-Américains ou les Latino-Américains) sont moins informées sur les objectifs des essais ou même leur existence, donc moins susceptibles de s’y engager. Enfin, certaines études soulignent la méfiance éprouvée par certaines populations envers la recherche médicale en général et particulièrement vaccinale, et qui constitue un frein important à la participation aux essais [25].   

Enfin en ce qui concerne les personnes âgées, les raisons de leur sous-représentation sont également multiples. La difficulté à obtenir un consentement éclairé est la première d’entre elles (elle se retrouve par ailleurs pour les personnes majeures protégées), de même que la présence de multiples comorbidités, d’une baisse d’immunité ou d’une polymédication qui constituent autant de variables à prendre en compte, tout comme la crainte de difficultés relatives au bon suivi et à l’observance des procédures de l’étude [17].

Recommandations du TRT-5 CHV

Conscient des freins à l’inclusion des personnes actuellement sous-représentées dans la recherche, le TRT-5 CHV recommande :

  • D’améliorer la connaissance sur les freins à l’inclusion des populations clés du VIH, des hépatites virales et des IST et de mettre en œuvre des travaux permettant de déconstruire les représentations sur les profils de participants-es à la recherche, par exemple en proposant des actions de formation/sensibilisation aux médecins recruteurs-euses ;
  • De mettre en œuvre des moyens permettant de prendre réellement en compte les spécificités des populations sous-représentées, par l’instauration de protocoles de recherche donnant un quota de participants-es, en construisant des essais conçus de façon à tenir compte des spécificités socio-économiques et culturelles des publics cibles, ou en construisant des essais spécifiquement adressés à ces publics ;
  • De mettre en œuvre les moyens financiers permettant d’adapter les protocoles de recherche et de répondre aux appréhensions exprimées par les médecins recruteurs-euses : prévoir des frais de traduction-interprétariat, de médiation culturelle et de garde d’enfants dans les budgets de la recherche, proposer des lieux et des horaires adaptés, proposer des formes galéniques adaptées, mettre à disposition une aide matérielle adéquate et concrète pour l’accès à la contraception et proposer des procédures très claires de prise en charge en cas de grossesse ;
  • De s’appuyer sur le savoir-faire des associations de terrain pour construire des protocoles adaptés et faciliter les recrutements dans les études, pour réduire les risques d’abandon en cours de projet ;
  • De s’appuyer sur des données et des mécanismes permettant de prendre réellement en compte les spécificités des populations cibles : si les échantillons nationaux de ces populations sont trop faibles pour être représentatifs, comme c’est souvent le cas pour l’inclusion des personnes trans, favoriser les projets de recherche européens multicentriques et de constitution de cohortes.
  • De croiser les données biomédicales avec celles apportées par les sciences sociales :  favoriser une approche intersectionnelle de la représentativité dans les essais, le genre se combinant avec d’autres déterminants sociaux de la santé tels que l’âge, l’orientation sexuelle, le statut socio-économique, l’origine ethnique etc., qui sont autant de constructions sociales et politiques impactant l’accès aux droits et aux soins, et donc les inégalités de santé. 
  • De développer des essais “en vie réelle” et leur suivi.

Pistes de développement pour une recherche inclusive

En premier lieu, une enquête formelle, qualitative et quantitative, auprès des centres d’investigations cliniques et des médecins recruteurs semble nécessaire, afin d’identifier plus précisément les freins au recrutement des populations évoquées et de collecter des données fines sur des expériences de recrutements inclusifs éventuellement reproductibles. Il est également important de mener ce même type d’enquête auprès des publics encore sous-représentés dans les essais afin d’identifier leurs représentations des essais cliniques, leur niveau d’information et de compréhension sur les objectifs de ces derniers, pour identifier les freins et leviers à leur participation. Ce travail d’enquête devra servir au développement d’une communication ciblée auprès des personnes sous-représentées dans la recherche, pour les sensibiliser à l’importance de leur participation.

Une autre piste d’action est la poursuite d’un plaidoyer actif auprès des promoteurs privés et publics afin que la diversité fasse partie intégrante du processus d’évaluation des projets déposés, la question de la représentativité dans les essais devant être considérée comme un sujet en soi, par exemple via un séminaire ou un groupe de travail pluridisciplinaire auquel le TRT-5 CHV serait associé.

Enfin, la sensibilisation et la construction d’une formation à destination des médecins recruteurs peut constituer une autre piste à explorer.

Conclusion        

La participation des personnes à la recherche conditionne souvent l’accès au médicament, les recommandations de traitement ayant besoin de données issues de la recherche pour être formulées. Dès lors, comment recommander un traitement qui n’aura pas fait l’objet d’une recherche incluant dans toute leurs diversités les personnes auxquelles il est destiné ?  En matière de traitement comme de prévention, l’usage conditionne le succès ou l’échec de la stratégie thérapeutique. Penser, construire, tester les produits avec les personnes concernées favorise non seulement leur acceptabilité, mais aussi leur bon usage et par conséquent leur impact positif sur la qualité de vie.

Si des progrès ont été faits pour inclure plus de femmes dans les essais cliniques, le pourcentage de participantes reste encore insuffisant.  La recherche doit également favoriser la participation des personnes trans ainsi que celle des communautés afro-caribéennes, durement touchées par les épidémies VIH/Hépatites.

Pour une recherche pertinente, la représentativité des participants-es doit s’entendre comme incluant tous les déterminants sociaux de la santé, parmi lesquels les critères socio-économiques, culturels et ethniques.

En guise d’ouverture, le collectif relève d’autres thématiques liées à la représentativité dans les essais qui mériteraient d’être approfondies, telles que l’inclusion des PVVIH âgées de plus de 50 ans en recherche thérapeutique et celle de l’inclusion de PVVIH au sein d’essais hors champ VIH (cf. le programme BELONG de l’EATG).

Les données relatives à la sous-représentation des personnes non Blanches aux Etats-Unis incitent à l’extrême vigilance. Le constat et les raisons de cette sous-représentation ne sont pas nécessairement applicables en France, en raison, pour commencer, d’un cadre législatif strict concernant la collecte de données relative à « la prétendue origine raciale ou à l’origine ethnique ». Il n’en demeure pas moins que les potentielles entraves rencontrées par ces personnes à l’échelle nationale au moment d’intégrer des essais constituent un enjeu d’égal accès aux soins, alors même que le VIH est venu révéler depuis quarante ans la réalité des inégalités de santé, réalité qu’il convient d’étudier aux côtés des associations communautaires et des personnes concernées.

Nos travaux en lien avec la représentativité dans les essais

Objectifs

•             Améliorer la connaissance des freins à l’inclusion des femmes, des minorités de genres ou ethniques et des personnes précaires et/ou vulnérables ;

•             Sensibiliser promoteurs-trices, chercheurs-euses et personnes concernées au sujet de la représentativité et les conséquences des inégalités sur l’accès ;

•             Emettre des propositions concrètes d’actions possibles pour lever ces freins.

Modalités

•             Veille et recherche bibliographique ;

•             Rencontres avec les acteurs de la recherche (privés, publics et personnes concernées) ;

•             Propositions concrètes et recommandations.

Actions ciblées auprès des acteurs de la recherche

Industrie pharmaceutique

•             MSD :  Table ronde « patients et audace » du 13/10/2021.

Recherche académique

•             Proposition écrite dans le cadre de la réflexion sur les orientations stratégiques de la nouvelles agence ANRS|MIE – nov 2021 ;

•             Proposition écrite et audition dans la cadre de la mission d’audit externe de l’animation de la recherche à l’ANRS|MIE – avril 2022.

•             Rencontre avec la direction de l’ANRS|MIE                                                                                  

Personnes concernées et associations.

•             Organisation d’une journée scientifique annuelle sur le thème « L’Innovation, entre espoirs et réalités » – Session 1 – Rechercher = innover. Intervention du Pr Karine Lacombe « Qui participe aux essais ? Pour une représentativité en recherche clinique »

Notre journée scientifique s’adresse en particulier aux associations et aux personnes concernées (édition 2022 – env. 60%).

Références bibliographiques 

[1] Food and Drugs Administration. Gender Studies in Product Development: Historical Overview. (En ligne). 16 février 2018. https://www.fda.gov/science-research/womens-health-research/gender-studies-product-development-historical-overview

[2] European Medecine Agency. ICH. Gender considerations in the conduct of clinical trials. Rapport du 5 Janvier 2005. En ligne : https ://www.ema.europa.eu/en/documents/scientific-guideline/ich-gender-considerations-conduct-clinical-trials-step-5_en.pdf

[3] Haut Conseil pour l’Égalité Hommes Femmes. Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique. Rapport n°2020-11-04, Santé 45, voté le 04/11/2020. En ligne : https ://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/sante-droits-sexuels-et-reproductifs/actualites/article/prendre-en-compte-le-sexe-et-le-genre-pour-mieux-soigner-un-enjeu-de-sante

[4] Curno MJ, Rossi S, Hodges-Mameletzis I, Johnston R, Price MA, Heidari S. “A Systematic Review of the Inclusion (or Exclusion) of Women in HIV Research: From Clinical Studies of Antiretrovirals and Vaccines to Cure Strategies”. J Acquir Immune Defic Syndr. 2016 Feb 1;71(2):181-8.

[5] Cirrincione LR, Grieve VLB, Holloway J, Marzinke MA. “Inclusion of Transgender and Gender Diverse People in Phase III Trials: Examples from HIV Pharmacologic Prevention Studies”. Clin Pharmacol Ther. 2023 Mar ; 113 (3) : 557-564. 

[6] ONUSIDA. Statistiques mondiales sur le VIH. Fiche d’information 2022. En ligne : https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/UNAIDS_FactSheet_fr.pdf

[7] Agence Nationale de Recherche sur le VIH, les hépatites, IST et Maladies Émergentes (ANRS |MIE). Épidémiologie à VIH en France 2013-2018. Tendance et contribution de la prévention combinée (dépistage, traitement des PVVIH, prévention par le préservatif et la Prep). Juillet 2020. https://www.anrs.fr/sites/default/files/2020-07/epidemilogie-infection-vih-france-2013-2018_0.pdf

[8] Cazein F, Bruyand M, Pillonel J, Stefic K, Sommen C, Lydié N,,et al. « Diagnostics d’infection à VIH chez des personnes trans, France 2012-2020 ». Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire. 2021 ; (20-21). http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2021/20-21/pdf/2021_20-21_3.pdf

[9] Desgrées du Loû A, Pannetier J, Ravalihasy A, Gosselin A, Supervie V, Panjo H, et al ; groupe ANRS-Parcours. « Migrants subsahariens suivis pour le VIH en France : combien ont été infectés après la migration ? Estimation dans l’Étude Parcours (ANRS) ». Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire. 2015 ;(40-41) :752-8. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/infections-sexuellement-transmissibles/vih-sida/documents/article/migrants-subsahariens-suivis-pour-le-vih-en-france-combien-ont-ete-infectes-apres-la-migration-estimation-dans-l-etude-anrs-parcours

[10] Collectif Interassociatif TRT-5 CHV. Communiqué de presse dans le cadre de la Journée Mondiale du Lutte contre le SIDA. 29 novembre 2022. En ligne :  https://www.trt-5.org/journee-mondiale-de-lutte-contre-le-vih-sida-communique-de-presse/

[11] Seronet. VIH en France : des données stables mais fragiles. 22 Novembre 2022. Article en ligne :  https://seronet.info/article/vih-en-france-donnees-stables-mais-fragiles-94087

[12] Le Planning Familial. Il est temps de prendre en compte la féminisation de la pandémie pour lutter efficacement contre le VIH/sida. Dossier de presse du 1er décembre 2016. https://www.planning-familial.org/sites/default/files/2019-02/Le%20Planning_DP_NousExistons_291116.pdf

[13] CRIPS Ile-de-France. Seniors et VIH. Parcours de vie, parcours de soins. Dossier d’information du CRIPS Ile-de-France. Avril 2021. En ligne : https ://www.lecrips-idf.net/vih-seniors

[14] Rouers Angéline. « Essais cliniques : quid de la parité ? » Transversal, Sidaction. 6 octobre 2020. En ligne : https ://transversalmag.fr/articles-vih-sida/1301-Essais-cliniques-Quid-de-la-parite- 

[15] Desclaux Alice, Le Gac Sylvie, Girard Marie-Pierre. Les femmes dans les essais cliniques : des situations différentes au Nord et au Sud, des changements indispensables partout. Article Vih.org. 1er août 2013. En ligne : https ://vih.org/20130801/les-femmes-dans-les-essais-cliniques-des-situations-differentes-au-nord-et-au-sud-des-changements-indispensables-partout/ 

[16] Devouassoux Clara. La diversité dans les essais cliniques, un point d’alerte pour une médecine fiable et équitable. Ambassade de France aux Etats-Unis, Service pour la science et la technologie. Los Angeles. 8 septembre 2022. En ligne : https ://france-science.com/la-diversite-dans-les-essais-cliniques-un-point-dalerte-pour-une-medecine-fiable-et-equitable/

 [17] Vinh-Phuc Luu . Intérêt et méthodes alternatives dans l’évaluation du médicament dans les populations particulières, thèse en Pharmaco-épidémiologie, Université de Bourgogne Franche-Comté, 2019. 

[18] Flores LE, Frontera WR, Andrasik MP, et al. “Assessment of the Inclusion of Racial/Ethnic Minority, Female, and Older Individuals in Vaccine Clinical Trials”. JAMA Netw Open. 2021 ; 4 (2).

[19] Desgrées du Loû A, Pannetier J, Ravalihasy A, Gosselin A, Supervie V, Panjo H, et al; groupe ANRS-Parcours. Migrants subsahariens suivis pour le VIH en France : combien ont été infectés après la migration ? Estimation dans l’Étude Parcours (ANRS). Bull Epidémiol Hebd. 2015;(40-41):752-8. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/40-41/2015_40-41_2.html

[20] Bansi-Matharu, Loveleen et al. « Contemporary antiretrovirals and body-mass index: a prospective study of the RESPOND cohort consortium”. The Lancet HIV, Volume 8, Issue 11, 2021. E711 – e722.

[21] Haute Autorité de Santé. Avis de la Commission de la Transparence sur le Tivicay 50mg, comprimé pelliculé. Avis émis le 28 mai 2014. En ligne : https ://www.has-sante.fr/upload/docs/evamed/CT-13530_TIVICAY_PIC_Avis2_CT13530.pdf

[22] EPI-PHARE (groupement d’intérêt scientifique ANSM-Cnam). L’efficacité de la prophylaxie pré-exposition (Prep) au VIH est confirmée en vie réelle dès lors que l’observance au traitement est bonne. Communiqué de presse du 12 juillet 2022. En ligne :   https://assurance-maladie.ameli.fr/sites/default/files/2022-07-12-CP-epiphare-article-%20efficacit%C3%A9%20de%20la%20PrEP%20VIH%20.pdf

[23] Haute Autorité de Santé. Réponses rapides dans le cadre de la Covid19 – Prophylaxie (Prep) au VIH par tenofovir disoproxil /emtricitabine dans le contexte de l’urgence sanitaire. Synthèse de la saisine de la HAS par la DGS, validée le 15 avril 2021. En ligne :   https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-04/reco_435__reponse_rapide_prep_au_vih_150421_cd_vudoc_am_pg_vd_mel_v0.pdf

[24] Barber TJ. Older people. Metabolic consequences of new classes of ART. AIDS 2022, 29 July to 2 August 2022, Montreal. https://programme.aids2022.org/Programme/Session/23

[25] Dhalla S, Poole G. “Effect of race/ethnicity on participation in HIV vaccine trials and comparison to other trials of biomedical prevention”. Hum Vaccin Immunother. 2014 ; 10(7) : 1974-84. 

[26] Clinical trial facilitation and coordination group CTFG. Recommendations related to contraception and pregnancy testing in clinical trials –version 1.1 (21/09/2020)

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